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(car je songe volontiers que je songe)

"Je songe parfois à écrire mes mémoires. Au fond, à quoi bon? L’histoire d’une vanité et d’un naufrage, ça ne vaut pas l’encre pour l’écrire. Que les hommes renversés sont pathétiques! Que j’adorais le raffinement de mon château, les gracieuses arabesques de mes parterres, mes cascades et mes nappes d’eau! Ne reverrai-je jamais mes orangers? Qu’est-ce qui nous conduit à nous détruire ainsi? Quelle forme de vanité allume notre suprême ambition et nous pousse à dramatiser la risible leçon de l’anéantissement?"

Nicolas Fouquet
Le Songe de Vaux

 

"Mon blog est exagéré. J’aimerais beaucoup écrire des choses plus exagérées (inventées). Quand j’en écris, je suis content car elles me semblent plus vraies. Alors ça donne des choses un peu étranges quand mon père y fait allusion: "J’ai lu dans ton blog…" Je lui donne des précisions, je ne sais pas sur quoi: j’ai oublié à peu près les circonstances et j’ai oublié comment je les ai décrites. Mais je sais que tout est à peu près faux. "J’ai lu dans ton blog que tu avais hérité de costumes Yves Saint Laurent…" Euh… C’était probablement un rêve… A propos de rêve, je rêve toutes les nuits, en ce moment (enfin, le matin, j’imagine, puisque je m’en souviens), que je fais des mises en scène. Elles sont merveilleuses, inouïes, des apparitions. Je file du mauvais coton si je me mets à rêver au lieu d’agir, Marguerite Duras ne serait pas contente."

Yves-Noël
Comme nous tous faisons une œuvre de notre vie…

 

"Mon âme me déplaît de ce qu'elle produit ordi­nairement ses plus profondes rêveries, plus folles et qui me plaisent le mieux, à l'impourvu et lorsque je les cherche moins, lesquelles s'évanouissent soudain, n'ayant sur-le-champ où les attacher; à cheval, à la table, au lit, mais plus à cheval, où sont mes plus larges entretiens. J'ai le parler un peu délicatement jaloux d'attention et de silence, si je parle de force: qui m'interrompt m'arrête. En voyage, la nécessité même des chemins coupe les propos; outre ce, que je voyage plus souvent sans compagnie propre à ces entretiens de suite, par où je prends tout loisir de m'en­tretenir moi-même. Il m'en advient comme de mes songes; en songeant, je les recommande à ma mémoire (car je songe volontiers que je songe), mais le lendemain je me représente bien leur couleur comme elle était, ou gaie, ou triste, ou étrange; mais quels ils étaient au reste, plus j'ahane à le trouver, plus je l'enfonce en l'oubliance. Aussi de ces discours fortuits qui me tombent en fantaisie, il ne m'en reste en mémoire qu'une vaine image, autant seulement qu'il m'en faut pour me faire ronger et dépiter après leur quête, inutilement."

Montaigne
Essais, Livre III, Chapitre 5, "Sur quelques vers de Virgile"

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