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Cantique

Une heure de piano en début de soirée. Le bustier métallique de Viviana exposé dans le salon. Le colocataire dans sa chambre, pas vu. Des voix, on dirait une série, sur son ordinateur. La machine à laver ronronne son linge sale. Je m'allonge, écoute Yves Michaud parlant de son dernier livre sur Ibiza, industrialisation du plaisir. Puis sieste. Puis piano, je rejoue mon programme, enregistre la valse deux ou trois fois. Pendant ce temps Olivier est au Rond-Point, il me dit que Camille est là aussi. Yves-Noël essaie de m'appeler avec le téléphone d'Olivier mais j'arrive trop tard. Je rappelle et laisse un message. Je me couche, il fait frais car j'ai laissé la fenêtre ouverte à cause des cigarettes. Le polo bleu d'Olivier, encore chargé d'odeurs, contre mon cou, mon épaule. Je m'endors très vite, me réveille un peu en retard, café, pain, confiture de rhubarbe, me rase juste ce qu'il faut pour dessiner la barbe, prends une douche avec mon casque bluetooth, on n'en finit pas de gloser sur le tweet de la première dame de France et la défaite inéluctable de Ségolène, je m'habille en noir et blanc, métro, lecture, le chirurgien et le mage, le peintre et le caméraman, rue de Bourgogne j'écoute La Chanson de Prévert, l'enregistrement d'Isabelle Aubret a plus de cinquante ans, bouleversant de légèreté et de fraîcheur, mélodie curieusement déphasée, un pigeon mort dans le caniveau, ventre blanc gonflé impudiquement offert aux regards tel le grand-duc de Nadja dans la cour du Manoir d'Ango, un coureur aux cuisses puissantes me frôle, short blanc et t-shirt rouge imprimé "légion étrangère". En arrivant au 107 je coupe tout mais je ne sais comment il me semble qu'Olivier m'appelle, son nom s'affiche à l'écran de mon téléphone, mais n'est-ce pas moi qui l'appelle... Hier midi c'était un message commençant par ces mots "Pierre, c'est grave, je t'aimais", et c'était comme si tout allait s'écrouler, tout aurait dû s'écrouler, ce que me dictait la raison, mais la rhétorique s'était mêlée des mots d'amour et ce qui semblait dans l'exorde la fin de l'amour en annonçait plus loin le triomphe, deux hommes échoués l'un à l'autre, deux étrangers qui s'observent et se confondent, s'assemblent et se désassemblent, s'embrassent et se rêvent autant qu'il est humainement possible. "Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es aimable! Notre lit, c’est la verdure."

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