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Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera

J’ai recouvert le livre avec une copie d’examen de format A3. Ça lui fait une drôle de couverture, comme s’il restait à en inventer le titre et à l’évaluer, avec la mention de rigueur : "Appréciation du correcteur". Il s’agit d’être discret. Je lis mais n’en ai pas le droit. Je surveille des épreuves du baccalauréat. La philosophie puis le français, de 8 à 18 heures. Le règlement dispose que "la surveillance est exclusive de toute autre activité". D’où le camouflage du livre. Enfin, ça ne trompe personne : je lis. Mon téléphone sommeille dans la sacoche de mon vélo. Je lis, et, de temps en temps, j’apporte une feuille de brouillon ou une copie à un élève qui en fait la demande. 

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Un collègue se penche sur mon livre : "Ce sont... les mémoires de mon père." C'est un grand format, la mise en page est serrée mais élégante. La lecture est assez lente, me demande une grande concentration. Tous ces noms, ces visages inconnus pour moi, des situations, des lieux qui ont changé me font vivre les années cinquante dans la tête et par les sens de mon père. C’est étrange et agréable. Des impressions furtives, des paragraphes comme des nouvelles, des micro-histoires pour moi, des rêveries ou de longues interrogations pour lui, résumées en quelques lignes. Telle jeune fille à l'arrêt du tramway, une forme de visage, la Place de la Déesse... Années de formation, roman initiatique.

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Le soir, je regarde La dernière séance à la télévision. Les gueules d’ange des héros du film m’avaient attiré dans les annonces publicitaires, mais je suis un peu déçu en découvrant que cette histoire qui se passe dans les années cinquante au Texas a été tournée en 1971. Cela ne m’empêche pas finalement de me laisser prendre par la fiction, après une journée dans la peau de mon père, dans la vérité de sa subjectivité.

Je prépare la correction des copies de bac, prenant des notes sur le sujet. Sans m’en rendre compte, je laisse mon stabylo sans capuchon contre le livre. Une tache jaune fluorescente macule le coin haut des pages 303 à 347 : quel dommage ! Je compte bien que le temps affadisse ce jaune criard. Il a une drôle d’allure, mon livre, avec cette couverture et cette tache. Disons qu’il vit.

 

Demain j’irai chercher mon lot de copies.

 

J’ai siroté un jus de concombre et de tiges de betteraves et de rhubarbe. Mangé cinq sardines qui me faisaient très envie. De la choucroute froide. Une galette de fibres de tomate, de pastèque et de gingembre, restes du jus de ce midi. Je me réalimente. J’ai rompu le jeûne dimanche soir. Aujourd’hui j’avais très envie de ces sardines, alors pourquoi pas.

 

Demain je ferai un jus de courgette et d’ananas.

 

Il faudra que je pense à mettre le kombucha en bouteille. Préparer une autre fermentation de thé noir, ou peut-être de verveine, puisqu’Olivier m’en a soufflé l’idée.

Demain soir il faudra filtrer le kéfir qui aura terminé sa première fermentation. Je préparerai une bouteille aux étoiles de badiane. Une autre à la menthe poivrée.

 

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Ce matin, sur le chemin de la gare, j'empruntai une vieille édition des Plaideurs dans la boîte à livre de la place de l'hôtel de ville. Les premiers vers prononcés par Petit Jean (le prénom de mon père) m'égayèrent :

Ma foi ! ſur l’avenir bien fou qui ſe fira :
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.

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