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  • Aller-retour

    Le coffre ne s’ouvre plus. J’y pénètre par la banquette arrière, suivant les instructions du manuel. Comme il fait noir, je télécharge une lampe-torche. J’enfonce la pointe d’un fin tournevis dans le trou indiqué sur le schéma, et aussitôt la serrure se débloque avec le bruit familier du coffre qui s’ouvre, comme une notification mécanique. Cela ne sert à rien : sitôt le coffre fermé, il persiste à le rester. C’est une panne électronique. Je regrette ma vieille voiture où les clés étaient fées.

     

    Le trajet dura quatre heures. Ma passagère écoutait un podcast chamanique derrière ses boucles blondes.

     

    Pour l’hôtel, on fera tout au moyen d’une carte magnétique : entrer dans le hall et dans la chambre, allumer la lumière. La harpiste a déjà perdu trois cartes. Elle en rit devant l’ascenseur. Le code de l’ascenseur est un code postal parisien très chic.

    On avait travesti mon amour. Dans l’opéra, on dansait avec des balais. Un soir de relâche, on dansa dans un vieux dancing. Comme je fumais à l’entrée, les videurs me confièrent qu’il n’y avait pas assez de viande sur la piste de danse pour laisser entrer cinq garçons affamés.

    J’avais sillonné la ville dans tous les sens. Le plus fantastique, c’était le rassemblement des oiseaux tous les soirs, aux mêmes heures dans les mêmes arbres, leur vacarme et leur odeur.

    Je remis le petit bouddha à sa place sur l’étagère. Laissai sur l’oreiller un poème américain. Poème d’homme pour une fois.

     

    Le trajet dura quatre heures. Ma passagère se plaignit de la difficulté d’un poème en prose que sa fille devait expliquer.

     

    Les boutiques de cigarettes électroniques pâtissent de l’inanité de leurs enseignes. Le vendeur désœuvré a des talents d’aquarelliste. Il faisait du gris quand je l’ai dérangé. Comme je le complimentai discrètement, il reconnut que les pinceaux et les pigments naturels étaient plus savoureux que les arômes frelatés qu’il me vendait.

    Je me privais de lait de vache depuis trois jours, j’en étais malheureux.  Je mangeais à des heures bizarres. Je surveillais mon corps. Faisais d’inutiles calculs sur les âges de ma vie. Avais des souvenirs par dizaines d’années, des envies à la pelle mais l’incapacité de les dessiner.

    On déplacera un jour ce couvercle de granit rose pour y déposer un autre cercueil. Ce matin, nous l’avons lavé, mon père et moi, et taillé l’arbuste épineux chargé de fruits rouges gonflés de pluie. Les plaques commémoratives s’oxydent, l’or des lettres se ternit par endroits. Je lave aussi les trois petits galets verdis par des mousses.