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Musique

  • J’ai soupesé ma vie

    Passé des heures à écrire l’accompagnement d’une chanson enregistrée il y a deux ou trois ans. J’ai dû me réécouter pour me comprendre, exercice pénible que de se reconnaître — mes tics harmoniques —, et plus pénible encore la difficulté à retrouver certains accords au clavier avant de les écrire : trois pages sur un petit poème d’Emily Dickinson, une partition mise en page de manière un peu maniaque pour qu’Olivier puisse chanter tout en s’accompagnant. Il veut chanter ce morceau en particulier. Je l’aime aussi, il a quelque chose de déchiré avec ses irrésolutions, ses médianes qui se refusent, ce La bécarre dès la première mesure qui annonce une instabilité, l’air de rien, et, à la troisième strophe, la chute en Si mineur, la dépression des âpres dièses, et une espèce de rejointoiement dont je suis friand, la mélodie changeant d’habits quand le Sol dièse dans l’accord de Do dièse mineur devient La bémol en Fa mineur : le même mais un autre, pour revenir à la tonalité initiale, car il le faut, et l’oreille est soulagée après un temps de mise au point — existe-t-il, pour l’oreille, un équivalent de la mise au point optique ? Je note la première strophe, qui est très belle :

    I felt my life with both my hands
    To see if it was there —
    I held my spirit to the Glass,
    To prove it possibler —

  • Orfeo

    Le chef d’orchestre était étonnamment beau, et sans doute son cerveau harmonique plus admirable encore que l’enveloppe de sa peau, qui donnait aux reliefs de son squelette et de ses chairs la continuité surnaturelle d’un paysage imaginaire. La harpiste commençait à jouer, le buste penché sur le côté gauche de son instrument, ses bras décrivant des trajectoires précises et gracieuses. On ne concertait pas encore. Elle jouait comme pour elle seule, un rideau de cheveux noirs empêchant de savoir si parfois elle levait les yeux vers le chef d’orchestre dont les mains marquaient un mouvement retenu, prélude à l’extravagance de l’opéra qui se tramait derrière ses paupières closes – mais closes d’une façon telle, paupières souriantes comme le sourire de celui qui domine et goûte tout à la fois la recréation de l’œuvre, qu’elles dessinaient la qualité d’un regard plus vibrant qu'il est humainement concevable.