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tatiana ventôse

  • Candide

    La première fois, elle ne me plut guère. Son ton réticulaire m’insupportait. Elle me semblait faire comme tout·e un·e chacun·e, phrasant face caméra un flot ininterrompu d’idées chichement assemblées et montées hardiment au banc de montage digital. Accablée par une vilaine lumière, elle narrait une démission sur un ton fanfaron; and so what. Mais comme YouTube ne laissait pas de me suggérer d’autres vidéos de la demoiselle, tandis que je chinais des contenus poétiques et philosophiques, il advint que je cliquasse, mu par une indulgente curiosité et l’ondulation rubescente de sa tignasse. "Restez conscients", concluait-elle en souriant, après avoir éreinté les H & M, Zara, GAP et Mango. Ce n’était certes pas le cinglement de Stiegler, mais elle mettait dans sa harangue le bon sens et l’honnêteté nécessaires pour m’être tout à coup sympathique, tandis que je faisais la queue chez Kiabi, qui était pleine d’ennuis et de visages abîmés, tenant sous le bras un drôle de gilet noir sans boutons ni poches et à la maille généreuse, dans l’espoir qu’elle me protégerait contre l’inconstance de ma chaudière. Comme j’extrayais un sac en nylon de son étui, refusant par principe les sacs en plastique ou en papier que l’on continue de vous fournir malgré l’empoisonnement des poissons dans les océans, la caissière me proposa aimablement de le déplier elle-même et d’y fourrer l’objet du délit. Douze euros cinquante: c’est à ce prix que s’allonge la liste noire de ma garde-robe, qui n’est pas une armoire normande ni norvégienne, mais une collection de cartons beiges posés sur le parquet de ma chambre céleste.

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