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Les tomates de la rue des Ardennes

Les plants de tomate, ou devrait-on dire les pieds, ou peut-être les tiges ? mais ce sont les plants qui me paraissent les plus naturels, que dis-je, le plus naturel, et quoi qu’il en soit, s’agissant de ce végétal, de ce fruit et non pas légume comme chacun sait, comment ne pas le qualifier de naturel ? Les plants de tomate, disais-je, ont cette manière incroyable de se hisser vers le ciel en s’appuyant sur une béquille ; sinon je suppose qu’ils rampent, je veux dire dans la nature, quand l’homme et sa conscience réparatrice, élévatrice, calculatrice, ne sont pas là pour redresser ce qui se plaît naturellement à serpenter avec mollesse. Ainsi donc, mes plants de tomate, je leur ai adjoint des tuteurs en bambou ; par là ils ont acquis une espèce de dignité mêlée d’une gracieuse légèreté qui fait l’admiration de l’Est parisien.

Il faut croire que c’est la chute d’une tomate-cerise (ou d’une tomate cerise ?) sur mon potager-mètre-carré qui a engendré cette luxuriante végétation lycopersique. Il faut supposer que des voisins plus élevés que je ne suis dans cet immeuble se sont débarrassé négligemment des restes d’un apéro sur mon misérable rez-de-chaussée qui, du haut de leur septième étage, ne doit pas leur sembler plus grand ni surtout digne d'attention qu’un Tuc.

Depuis, les passants s’extasient sur mes plants de tomate et commentent la pousse des fruits, qui ces jours-ci passent sans prévenir du vert au rouge. Comme je lustrais la terrasse de mon colocataire cet après-midi tandis qu’il faisait ses derniers cartons avant de débarrasser la moquette, et que dans les rigoles indifférentes se répandait une marée verdâtre gorgée de mousses et de champignons microscopiques éradiqués par mon éponge métallique, des dames commentèrent le charme de mon îlot de verdure, mais je les prévins qu’il ne fallait pas goûter aux fruits, quels que tentants qu’ils fussent, car sans doute leurs sucs étaient saturés de toutes ces saloperies que mes voisins du dessus, je veux parler de ceux du premier étage cette fois, jettent par leurs fenêtres avec un sans-gêne inexplicable : cotons-tiges, tampons démaquillants et autres, mégots, bouteilles et canettes, et je ne sais quels produits détergents que je soupçonne d’être la cause de l’infertilité de la moitié de mon potager-mouchoir-de-poche. Les tomates du frigo sont beaucoup plus sûres, vous dis-je.

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